Depuis quelques mois on n’entend plus parler que du « trou » budgétaire : celui des comptes publics, de la sécurité sociale, des caisses de retraites, etc. La notion de trou est pourtant bien embarrassante : en parlant de « trou » on ne parle en fait que de l’absence de quelque chose.
Sartre à l’époque où il écrivait l’Être et le néant, s’est mis à a tâche et c’est dans les Carnets de la drôle de guerre : « Et certes, le trou du cul est le plus vivant des trous, un trou lyrique, qui se fronce comme un sourcil, qui se resserre comme une bête blessée se contracte, qui bée enfin, vaincu et près de livrer ses secrets ; c'est le plus douillet, le plus caché des trous, tout ce qu'on voudra. (...) Je vois en effet que le trou est lié au refus, à la négation et au Néant. Le trou, c'est d'abord ce qui n'est pas. Cette fonction néantisante du trou est révélée par des expressions vulgaires qu'on entend ici, telles que : "trou du cul sans fesses", ce qui signifie : néant. (...) Le vertige du trou vient de ce qu'il propose l'anéantissement, il dérobe à la facticité. Le trou est sacré par ce qu'il recèle. Il est par ailleurs l'occasion d'un contact avec ce qu'on ne voit pas. (...) Mais en même temps, dans l'acte de pénétrer un trou, qui est viol, effraction, négation, nous trouvons l'acte ouvrier de boucher le trou. En un sens, tous les trous sollicitent obscurément qu'on les comble, ils sont des appels : combler = triompher du plein sur le vide, de l'existence sur le Néant. D'où la tendance à boucher les trous avec sa propre substance, ce qui amène identification à la substance trouée et finalement métamorphose. »
Quand Sartre est lancé, on ne l’arrête pas si facilement : juste après la philosophie du trou, le voici qui en déduit la fonction de la sodomie. Nous ne le suivrons pas jusque-là. En revanche, nous aimerions bien l’entendre disserter sur ces tous remplis de plein que sur les « trous noirs ».
Jean-Pierre Hamel, philosophe Blog Le point du jour