Les dessous de la lumière
Problématique, enjeu L’invention de la lumière électrique et de ses appareils puis sa généralisation sont en passe d'effacer une expérience première à l’origine de l’humanité : l'expérience du noir et avec, l'expérience de la peur, l'expérience de l'infini (voûte céleste). On passe ainsi de la lumière locale et localisée du feu, rassurante et son ombre noire qui recouvre les dos angoissés ert craintifs à la lumière généralisée totale, totalitaire qui rend le monde et ses habitants visibles, aplatit tout et efface même les ombres. Quelles sont les conséquences ? La disparition d'une forme d'humanité.
A l'origine, il n'y avait rien. Puis vint le monde et la lumière, le jour et la nuit. Nous raconte cette histoire plusieurs mythes : la Théogonie d'Hésiode, La Bible ou le big bang. Puis vint le feu, le feu artificiel, la première lumière crée par l'homme. Le mythe de Prométhée nous raconte l'histoire et Gaston Bachelard nous donne l'origine de cette invention : de l'observation des corps s'échauffant dans le rapport sexuel, l'homme put imaginer qu'en frottant deux morceaux de bois l'un contre l'autre, il parviendrait à un échauffement susceptible de produire de la fumée puis une flamme. De là vient l'expression, il n'y a pas de fumée sans feu. Dès lors, et contrairement à une certaine pensée chinoise, naît un dualisme irréductible : obscurité et lumière, nuit et jour, noir et blanc (et ses formes idéologiques). Irréductible, car jamais les deux éléments ne se rencontrent sauf dans un vague oxymore : le clair/obscur.
L'impossible rencontre : Chanson : le soleil a rendez-vous avec la lune (Trenet)
Les bénéfices Le feu maîtrisé, domestiqué, enfermé, contrôlé, première lumière artificielle. Flamme de la chandelle, lanternes et vessies, bec de gaz puis vint la lampe électrique. Certes une utilité pratique, sécurisante, esthétique même et aussi une fonction symbolique. La sortie de la caverne (Platon), sortie de l'ombre, de l'ignorance et une philosophie dite des Lumières pour éclairer les consciences et en finir avec l'obscurantisme L'éducation, l'obscurantisme : Chanson Le jour et la nuit La rue kétanou
L’excès de lumière et ses effets Feu et imaginaire. La flamme de Bachelard incite à la rêverie. Et je me souviens comme Georges Pérec, de ces feux de l'enfance qui fascine et effraye. Fin de la rêverie, de l'imaginaire : on ne rêve plus devant un radiateur électrique ou un spot.
Uniformisation et aplatissement. Un soleil de midi permanent, au zénith, là où l'ombre disparaît. Perte de l'ombre, perte de son ombre, perte du sujet. Je me souviens enfant de l'ombre projetée par l'unique lampadaire de la rue noire. Je pressais le pas. Mon ombre de derrière passait devant moi et je la poursuivais jusqu'à ce qu'elle sombre.
Au nom de la Sécurité, éloigner l'ombre, éclairer pour angoisser et créer la peur. J'ai peur du noir, mais je suis angoissé par son absence totale, le vide de Sartre.
Transparence totale, totalitaire – La lumière est sans dessous ni ombre – comme une image surexposé le monde est « cramé ». A trop vouloir éclairer les consciences, on les brûle. Chanson Grand corps malade La nuit
Conclusion Subsistance d'un inconscient collectif, une sorte de résistance en allumant les bougies de l'émotion, le barbecue et la recherche volontaire du noir lorsqu'on fait l'amour (baisse encore l'abat jour dit Paul Géraldy) ; le noir nécessaire au blanc (Soulages) Chanson : j'ai demandé à la lune (Indochine)
Didier Martz Philosophe, auteur, musicien