Je me pose cette question curieuse après avoir entendu Bernard Friot, surtout économiste, parler de son livre « Un désir de communisme ». Curieuse question après avoir connu le stalinisme, le maoïsme chinois, le Cambodge de Pol Pot, etc., toutes des tentatives malheureuses et dramatiques de réalisation de l'idéal communiste. Aussi, dès que les mots « communisme » ou « communiste » sont prononcés ils évoquent immanquablement le goulag, le totalitarisme, les procès, l'extermination ou l'épuration. Alors quant à avoir un « désir de communisme... ».
Exit donc le communisme, il n'est plus question d'en parler. N'en subsistent ici ou là que de maigres traces sous la forme de partis communistes exsangues ou dans des pays qui tout en s'inspirant de l'idéologie communiste se sont rendus au libéralisme sous des formes variées. On pourrait penser l'affaire réglée, close et pourtant.
Arrêtons-nous un instant sur le mot communisme. Dedans il y a le mot commun. Le suffixe -isme y ajoute quelque chose comme une volonté de mettre en commun. Dans l'image des régimes dont nous venons de parler la mise en commun pouvait aller jusqu'au bien privé, le lopin de terre, la machine à laver s'il y en avait eu à l'époque et pourquoi pas la mise en commun des femmes. Pas des hommes évidemment !
L'idée n'est pas nouvelle. Déjà le philosophe Platon, au IVe siècle av. J.-C., partant du principe que la propriété, les instincts de la famille et les intérêts privés détournent l'attention de l'homme de ses obligations envers la communauté avait prôné le communisme. Source de dissension, propriétés privées et relations familiales ne pouvaient pas être reconnues dans un état idéal. Par conséquent, il fallait instaurer une sorte de communisme.
Maintenant si on revient à quelques définitions, le commun mis au pluriel donne les communs qui peuvent concerner des terres dont l'usage était autrefois partagé, mais ce principe existe encore ici ou là. Communs désigne encore les locaux mis à disposition des personnels subalternes dans une maison bourgeoise. Le sens fait sans doute référence au fait que ce sont des gens communs, banals, ordinaires et invisibles. On évite alors de fréquenter les gens du commun.
Si l'on y regarde de plus près, nous avons quand même beaucoup de choses en commun et sans doute plus que de choses privées. Nous versons dans un pot commun nos contributions pour la sécurité sociale, l'assurance-maladie, la retraite et le chômage. Nous y ajoutons nos impôts pour participer à des œuvres communes écoles, hôpitaux, piscine, routes, etc. Ainsi le libéral résolument libéral qui se plaint de toutes ces contributions – des charges à ses yeux – que l'État lui impose est malgré tout communiste sans le vouloir et le savoir dans la mesure où il contribue et où il fait un usage qu'il partage avec d'autres d'une école, d'une piscine, d'un hôpital et même d'une route. Il y a du commun ou des communs partout !
Le problème, car il faut bien qu'il y ait un problème, est que nos sociétés démocratiques, en même temps qu'elles opèrent de la mise en commun nécessaire pour faire société produisent également une forme de collectivisation ou de collectivisme certes différents de l'URSS de la première moitié du 20e siècle. Il s'agit du rassemblement dans les mêmes endroits de centaines voire de milliers de personnes. Ici dans un centre commercial, là sur une plage, ailleurs sur une place couverte de terrasses de café, symbole de la liberté. En somme, une uniformisation des comportements, des manières d'être, des mœurs avec cette particularité qui la différencie du collectivisme pur et dur est que les individus y ont le sentiment d'être libres. Ainsi va le monde !
Didier Martz, 4 juin 2021
https://youtu.be/x4gf6TULYIk