Sachant notre président féru de philosophie, nous (pas le nous de « majesté bien sûr !), nous permettons de lui en donner une première leçon... à toutes fins utiles. Blaise Pascal, dans ses Trois discours sur la condition des grands de 1670 s'adresse à un « grand », le fils d'un duc, pour lui faire comprendre que le « rang », comte, duc, roi, statut social privilégié et inégalitaire, ne lui donne pas de légitimité morale. Pour la bonne raison que le devoir moral vaut pour tous à égalité et pas seulement pour quelques uns. Et être riche pas plus. Je propose à la réflexion cette adaptation d'un extrait d'un texte – inactuel – de Blaise Pascal.
Pour entrer dans la véritable connaissance de la condition d'un homme de haut rang, Pascal propose de considérer l'exemple de cet homme qui devint roi sans le vouloir et sans avoir le nombre de voix nécessaires pour être représentatif. L'usurpateur songeait « en même temps » qu'il recevait tous les respects dus à sa condition et qu'il usait des pouvoirs qui lui étaient conférés « qu'il n'était pas, dit Pascal, ce roi que ce peuple cherchait et que ce royaume ne lui appartenait pas naturellement. Ainsi il avait une double pensée : l'une par laquelle il agissait en roi, l'autre par laquelle il reconnaissait son état véritable, et que ce n'était que le hasard qui l'avait mis en place où il était. Il cachait cette dernière pensée, et il découvrait l'autre. C'était par la première qu'il traitait avec le peuple, et par la dernière qu'il traitait avec soi-même. »
Ainsi, monsieur le Président, vous agissez extérieurement avec les hommes et les femmes selon votre rang et c'est bien normal mais vous devez reconnaître, du moins nous le supposons, « par une pensée plus cachée mais plus véritable, que vous n'avez rien naturellement au-dessus d'eux. Si la pensée publique vous élève au-dessus du commun des hommes, l'autre vous abaisse et vous tient dans une parfaite égalité avec tous les hommes ; car c'est votre état naturel. » Sauf à penser que la noblesse de sang, de droit divin - et aujourd'hui la richesse - sont des grandeurs réelles et naturelles. Ainsi comme le Roi était le lieutenant ou le tenant lieu de Dieu, le président de la République dans une version sécularisée serait le lieutenant des classes sociales les plus favorisées dont on sait que leurs faveurs leur viennent par nature (sic). Ainsi le peuple aurait tendance à croire que le président est d'une autre nature que les autres hommes. Mais...
« Ne leur découvrez pas cette erreur, si vous voulez, poursuit Pascal ; mais n'abusez pas de cette élévation avec insolence ; et surtout ne vous méconnaissez pas vous-même en croyant que votre être a quelque chose de plus élevé que celui des autres. Que diriez-vous de cet homme qui aurait été fait roi par l'erreur du peuple, s'il venait à oublier tellement sa condition naturelle qu'il s'imaginât que ce royaume lui était dû, qu'il le méritait et qu'il lui appartenait de droit ? Vous admireriez sa sottise et sa folie. Mais y en a-t-il moins dans les personnes de condition qui vivent dans un si étrange oubli de leur état naturel ? »
Et Pascal d'insister pour qu'on tienne compte de son avis : « … Car tous les emportements, toute la violence et toute la vanité des grands vient de ce qu'ils ne connaissent point ce qu'ils sont ». En effet, il est difficile « pour ceux qui se regarderaient intérieurement comme égaux à tous les hommes, et qui seraient bien persuadés qu'ils n'ont rien en eux qui mérite de petits avantages... » d'être traités « avec insolence » comme ce gamin interpellant le Président par un « ça va Manu ! ». Mais, transparence et « politique people » obligent, à trop vouloir être comme les autres – ce qui ne signifie pas être à égalité - , on fait oublier qu'on est Président de la République. Ainsi va le monde !
Didier Martz, philosophe 10 Septembre 2018 www.cyberphilo.org