On ne le répétera jamais assez ce discours, bien sûr, ne s'adresse qu'à ceux qui ont les moyens de prendre des résolutions. Ainsi, un pauvre ne peut décider de ne plus l'être sauf à ignorer, comme le disait le ministre Macron, qu'il peut devenir milliardaire comme tout un chacun et que s'il n'a pas sa montre Rolex à 50 ans, c'est qu'il aura raté sa vie (dixit Jacques Ségala) ; un chômeur peut lui aussi toujours prendre la bonne résolution de trouver du travail... Par ailleurs et assez souvent la caractéristique des bonnes résolutions est de ne s'adresser qu'à soi : JE va arrêter de fumer, JE va faire du sport... On pourrait imaginer certaines de ces résolutions qui s'adresseraient aux autres du genre, « c'est décidé, cette année j'aide les autres, je milite dans une association ou un parti politique, je sauve la planète... »
Bon, dépassons ces considérations sociales et sociétales qui ont quand même la fâcheuse habitude de contrarier les idées générales et reçues et nous empêchent de penser au monde confortablement assis dans un fauteuil. Donc, faisons comme si le projet d'arrêter de fumer, de faire du sport ou régime concernait la société toute entière voire toute l'humanité. En restant indifférent aux possibilités de chacun. Considérons donc la notion de résolution en elle-même, libre de toute contingence. Le dictionnaire nous dit que la résolution est l'action de prendre, après réflexion, une décision. On peut y ajouter la détermination irrévocable à faire ou ne pas faire telle ou telle chose. Elle s'accompagne en général de fermeté, de courage et de volonté.
Or, la ou les résolutions de début d'année ont, elles, la particularité de ne pas être tenues et d'être plus proches de la velléité que de la décision irrévocable. Assez proches d'ailleurs de la résolution vertueuse de Madame de Rênal, dans le Rouge et le Noir de Stendhal, « de traiter Julien avec une froideur parfaite quand elle le reverrait », décision qu'elle ne pourra pas tenir.
Alors faut-il blâmer ces faibles esquisses de la volonté, ces intentions fugitives généralement non suivies de réalisation ? Ces commencements peu suivis d'effets ne sont-ils que les signes de la faiblesse des individus, ces perpétuels rêveurs éveillés ? En fait et à propos de rêve, ne pas tenir une résolution, c'est tenir la part du rêve toujours intacte, c'est se faire une promesse dont on sait, implicitement, qu'on ne la tiendra pas. Mais qu'importe puisqu'en définitive elle n'engage que nous et laisse la possibilité ouverte et rêvée de pouvoir être, dans l'espace d'une année, autre chose que ce que nous sommes.
Le philosophe et psychanalyste J.-B. Pontalis pose qu'il y a en tout homme, et femme, un amour des commencements, un penchant pour ce qui ne fait que commencer et jamais ne s'achève. Car l'achèvement signe la fin, et comme son nom l'indique terriblement,porte le coup de grâce au désir. La joie est dans la résolution qui ne se résout pas à se réaliser. Et il est vrai que la fête c'est toujours avant la fête, dans sa préparation. Ainsi va le monde ! Et bonne année !!! Le 6 janvier 2016.