Platon et ChatGPT

Lu ce matin un article qui met en jeu le rôle de l’IA dans l’enseignement supérieur qui ferait selon les auteurs écho à des débats millénaires sur notre rapport aux outils cognitifs

Lu ce matin un article qui met en jeu le rôle de l’IA dans l’enseignement supérieur qui ferait selon les auteurs écho à des débats millénaires sur notre rapport aux outils cognitifs

- Millénaire, en effet puisque l’article en question mobilise le Phèdre de Platon, le dialogue où les bienfaits de l’écriture sont mis en cause. « Dans le Phèdre de Platon, le roi Thamous mettait en garde Theuth, le dieu égyptien de la science, contre les dangers de l’écriture, craignant qu’elle ne conduise à une atrophie de la mémoire et à une illusion du savoir. » dit l’article citant le passage en question. Pour confirmer cette affirmation, l’article poursuit : « Deux millénaires et demi plus tard, alors que l’intelligence artificielle générative bouleverse nos pratiques éducatives, cette mise en garde résonne avec une actualité saisissante /…/ : ne voyons-nous pas aujourd’hui les étudiants recopier des données générées par la machine et dont ils ne possèdent pas le sens ? »

- « Pourtant, /poursuit l’article en question/ les données empiriques récentes suggèrent une voie médiane entre technophilie béate et technophobie systématique : celle de l’intelligence artificielle (IA) comme orthèse cognitive et non comme prothèse de substitution. » Orthèse/prothèse : que signifie cette distinction ? Wiki nous renseigne : « Une orthèse est un appareillage qui compense une fonction absente ou déficitaire, assiste une structure articulaire ou musculaire, stabilise un segment corporel pendant une phase de réadaptation ou de repos. Elle diffère donc de la prothèse, qui remplace un élément manquant. »

- Là, je commence à piger : si j’utilise les production de l’IA comme une prothèse se substituant à mes propres production, je vais m’appauvrir et perdre progressivement ces capacités devenues inutilisées. Par contre, si je les utilise comme orthèse, qui soutien ces mêmes facultés pour progresser alors je vais les mettre en œuvre là où je ne l’aurais pas pu sans cet appui. On peut vérifier que le propos du Pharaon de Platon dit exactement la même chose ; mais il passe à côté de l’écriture comme « orthèse cognitive » - faute de recul ? Sans doute pas : n’oublions pas que Platon est hostile à la diffusion du savoir pour tous, étant partisan d’un ésotérisme rigoureux. Quand bien même un apprentissage raisonné de l’écriture et de ses bons usages serait possible, j’imagine que Platon ne permettrait pas à n’importe qui d’apprendre à lire et à écrire.

ChatGPT serait sans aucun doute banni de la cité des philosophes.

Jean-Pierre Hamel, philosophe. Blog Le point du jour

Haut de page